Créé le 08 -12-2011 à 23h40 | AFRIQUE REDACTION | REDACTEUR EN CHEF : ROGER BONGOS | SITE PANAFRICAIN | ACTUALITE NATIONALE, AFRICAINE ET INTERNATIONALE | Mis à jour le jeudi 08-12-2011 23H40| AFRIQUEREDACTION :Roger BONGOS
La vérité des faits est têtue. Elle peut être dite « sans soutane » et en marge "des
chaires de vérité". Après bien d’autres Occidentaux, Arnaud Zajtman, vient, à travers « une bête affaire » de publication des résultats électoraux, reposer
l’éternelle question de l’interconnexion existant entre les élites politiques Africaines et les grandes puissances capitalistes Occidentales. Il écrit un article fort
intéressant.
Nous recevons plusieurs e-mails par jours. Pour aller à ceux qui nous intéressent, nous en
supprimons une bonne quantité. Notre souhait est que l’article d’Arnaud Zajtman n’ait pas été supprimé. Ce correspondant permanent de la BBC et de la RTBF au
Congo (de 200 à 2010) vient de jeter un pavé dans la mare en publiant dans La Libre Belgique un article intitulé « Il est moins une à Kinshasa » ce mercredi 07/11/2011. (Pour lire cet article sur le site
de La Libre Belgique , il est bon d’en taper le titre dans la rubrique Recherche. Il ne figure pas parmi les autres articles du
site. Pourquoi ?...) Dans cet article, Arnaud Zajtman note que «la commission électorale congolaise s’apprête à annoncer la victoire
du président sortant Joseph Kabila sur la base de résultats frauduleux rejetés par la majorité des Congolais, jetant ainsi les bases du conflit le plus meurtrier qui puisse advenir, celui qui
oppose un appareil d’Etat à sa population. »
A son avis, « les tendances déjà publiées par la commission électorale qui donnent la victoire à Kabila ne résistent pas à l’analyse. » Il
s’explique en prenant quelques exemples. « Par exemple, au Katanga, censé être le fief traditionnel de Kabila, la CENI donne près de 90 % des voix à Kabila alors que le jour du scrutin, les
chiffres qui parvenaient des bureaux de vote disséminés dans les grandes villes de cette province donnaient seulement une légère avance de Kabila sur son rival Etienne Tshisekedi. Au Kivu, les
chiffres donnent une écrasante majorité à Kabila alors que le jour du scrutin, c’est l’opposant Kamerhe qui y était largement en tête.
Dans les provinces de l’ouest et du centre qui ont voté massivement pour Tshisekedi, les chiffres sont incomplets ou peu crédibles. La fraude est
grossière et tous les observateurs de la vie politique congolaise le constatent. En réalité, les journalistes qui ont travaillé sérieusement sur ces élections et ont fait la tournée des
bureaux de vote ont noté des tendances lourdes qui augurent de la victoire de Tshisekedi.»
C’est le cas la journaliste Belge, Colette Braeckman, très hostile à Etienne Tshisekedi, qui avait, dès le 29
novembre 2011, publiait un article intitulé « le vote sanction » et dans lequel elle tirait quelques conclusions du patriotisme des Congolais(es).
Sa quatrième conclusion soutenait que « les Congolais ont fait usage du plus élémentaire des droits démocratiques : ils ont sanctionné leurs élus (de 2006). » Et elle
ajoutait : « Dans de larges couches de la population, le discours de Tshisekedi a fait mouche.
Pas seulement parce qu’il a tenu des propos démagogiques, parfois haineux et provocateurs, parfois ethnistes, promettant de renvoyer « le
bonhomme » Kabila au Rwanda. Le vieux leader a fait mouche parce que, de manière plus incantatoire que chiffrée, il a promis le changement. L’opposant historique a su catalyser
la colère des sans voix, des sans travail, des sans pain, des sans école ; il a bénéficié d’un vote-sanction, dont la sévérité doit faire réfléchir tous ceux qui aspirent à garder ou à
prendre le pouvoir.» (Nous soulignons) Les échanges avec certains observateurs Belges d’origine congolaise abondent dans le même sens.
Arnaud Zajtman est stupéfait de remarquer que « l’Occident, qui depuis dix ans dépense plus d’un million de dollars par jour
pour la restauration de la paix et de l’Etat de droit au Congo, via la mission de maintien de la paix des Nations unies, s’apprête à valider ces résultats (frauduleux de la CENI ), signant ainsi
l’échec de sa propre politique. » Il veut, à travers ses ambassadeurs, aller à l’encontre du choix des populations Congolaises en estimant qu’elles ont opté pour un
Monsieur (Tshisekedi) imprévisible ! Ce jugement, pour Arnaud Zajtman, « rappelle celui que l’Occident proférait envers le Premier ministre Congolais Patrice Lumumba au moment de
l’indépendance du Congo. »
Ce faisant, le même Occident apporte « un soutien tacite, sinon actif, au coup de force que prépare Kabila, comme on l’apprend de différentes
sources à Kinshasa. » Il rejette l’option des Congolais(es) pour un Etat de droit en soutenant « Kabila qui avait promis lors de son élection « la fin de la récréation » (et
qui) a en réalité bradé les ressources minières du Congo, mettant les entreprises d’Etat, notamment la MIBA , qui possède les immenses mines de diamant au Kasaï, et la
Gécamines , qui possède les gisements du Katanga, à genoux, créant, selon le rapport très précis du député britannique Eric Joyce, chef de la commission parlementaire britannique consacrée à
l’Afrique centrale, un trou dans la caisse de plus de cinq milliards de dollars en à peine cinq ans, soit autant que le pillage organisé par Mobutu en 32 ans de règne sans partage ! »
Tout en invitant ses compatriotes Occidentaux à se souvenir que les actions de leurs ambassadeurs sont posées en leur nom, il
estime qu’ils ont droit à des explications sur ces actions en attendant des réponses à certaines questions : « Pourquoi apportent-ils un soutien tacite, sinon actif, au coup de force
que prépare Kabila, comme on l’apprend de différentes sources à Kinshasa ? Au nom de quelles valeurs ? De quels intérêts ? Est-ce de nature à sécuriser les intérêts de la Belgique et la présence
des ressortissants belges au Congo ? »
Le texte d’Arnaud Zajtman enfonce une porte ouverte. Ecrit pendant une période difficile que traverse notre pays, il a l’avantage
de dire en quelques pages ce que certains de ses compatriotes Occidentaux ont mis dans des gros livres. Pierre Péan, dans
Carnages. Les guerres secrètes des grandes puissances en Afrique, répond aux questions d’Arnaud Zajtman : les intérêts géostratégiques et géopolitiques ainsi que
les valeurs marchandes ont pris la place des valeurs humaines dans les têtes et les cœurs des gouvernants Occidentaux. Noir
Canada est encore plus explicite sur le lien entre la criminalité, la corruption et la mafia entretenues en Afrique et la prospérité des multinationales occidentales.
Kabila ne préparerait pas un coup de force si la guerre à laquelle il a participé depuis les années 90 n’était pas aussi une guerre de la politique et
de la justice internationale comme l’a si bien étudié Florence Hartman (dans Paix et châtiment. Les guerres secrètes de la
politique et de la justice internationales.) Pour preuve, samedi 26 novembre, la milice de Kabila a tiré à balles réelles sur nos populations et a fait des morts. Aucune sanction
ne s’en est suivie.
L’article d’Arnaud Zajtman, témoin du terrain tombe à point nommé. Il aide à rendre visible la connexion entre les élites compradores africaines et
les ambassadeurs des grandes puissances. Il peut tirer plusieurs d’entre nous d’une certaine naïveté dans la gestion de nos rapports interpersonnels avec le monde diplomatique
occidental.
Cet article vient rappeler à la naïveté des « démocrates en herbe » que dans un monde géré par un système capitaliste, les élections ne se
jouent pas que dans les urnes ; la rhétorique démocratique des grandes puissances ne résiste pas aux faits des soutiens qu’elles offrent à leurs marionnettes et/ ou bienfaiteurs.
Par ailleurs, cet article nous rappelle aussi que la vérité (des faits) est toujours têtue. Elle n’est pas toujours l’apanage de
ceux que nous croyons êtres « les témoins du logos » ; un Arnaud Zajtman peut la cracher « sans soutane » et en marge de certaines « chaires de
vérité » désacralisées par le goût du lucre, le mensonge et les faux-semblants.
J.-P. Mbelu