Créé l
15-12-2011- 18h23 | AFRIQUE REDACTION | REDACTEUR EN CHEF : ROGER BONGOS | SITE PANAFRICAIN |ACTUALITE NATIONALE, AFRICAINE ET INTERNATIONALE | Mis à jour
le jeudi 15-12-2011 18H28 AFRIQUE REDACTION PAR
:JP MBELU
Quand nous traitons de la question électorale chez nous, nous la réduisons à sa dimension politique. Nous oublions qu’elle a aussi
une dimension géostratégique et géopolitique importante. Contrairement aux apparences, à travers les élections de novembre 2011, la confrontation entre le Brics (le Brésil, la Russie , l’Inde, la
Chine et l’Afrique du Sud) et l’Occident s’est imposé comme un enjeu de taille. De temps en temps, les deux blocs jouent leur entente du le dos du peuple Congolais et au profit des élites
compradores.
Depuis les années 1990, une troisième guerre mondiale larvée a débuté dans la région des Grands Lacs. Le contrôle de cette région et de ses richesses
du sol et du sous-sol constitue un enjeu stratégique majeur. Qui a le Congo et toutes ses matières premières stratégiques contrôle l’Afrique et le monde. La guerre de basse intensité qui se mène
dans cette partie du continent africain entretient un marionnettisme préjudiciable pour le devenir de toute l’Afrique. Les pays voisins participant à cette guerre de prédation
remettent aux calendes grecques l’unification de l’Afrique. Ceux qui n’y participent pas en obéissant à leurs parrains de l’Est et/ou de l’Ouest ne font pas mieux : ils n’arrivent peut-être
pas à comprendre que dans un monde où les alliances se tissent entre les grands ensembles tenant à dominer le monde, des actions minables menées par de petits pays africains séparément ne
sortiront pas notre continent de son état actuel de réservoir de matières premières du reste du monde.
Contrairement aux apparences, les élections du 28, 29 et 30 novembre et les conflits violents qu’elles ont suscités participent de la lancinante
troisième guerre mondiale. A voir les choses de plus près et intelligemment, deux camps sont en train de se dessiner et de devenir visibles : le camp de l’Occident et celui de
l’Orient. Ces deux camps se font mutuellement pression et essaient de trouver, de temps en temps, un terrain d’entente sur lequel le peuple Congolais serait le plus grand perdant. Il y a d’une
part, les USA et leurs alliés ; et d’autres part, la Chine , l’Inde, l’Afrique du Sud, la Russie , l’Iran et leurs alliés. Bref, il y a la confrontation entre le Brics et l’Occident.
Mais par ce temps de crise économico-financière (et beaucoup plus anthropologique), la mise sur pied des terrains d’entente entre les deux blocs se
fait sur le dos du peuple Congolais.
Ses marches, ses cris, ses manifestations aux allures « souverainistes » et « nationalistes » vont à l’encontre de la donne
économico-financière actuelle. Elle est une question de vie ou de mort pour des nations « civilisées » aux ordres du marché et piétinant le droit humanitaire international. Pour
dire les choses autrement, dans cette confrontation, la loi de la jungle l’emporte sur le droit et la justice. (Nos compatriotes peuvent être tués comme des mouches pour une coalition
de plusieurs armées et mercenaires africains sans que cela ne puisse émouvoir grand monde !)
Il devient un peu gênant que cette question hautement stratégique ne fasse pas partie des débats actuels des forces politiques congolaises. C’est vrai,
l’opposition congolaise essaie, tant que faire se peut d’opter, pour le respect du droit. Mais elle donne l’impression de se laisser prendre dans le piège de la confrontation quand
elle appelle les pyromanes au secours.
Elle donne l’impression de ne pas comprendre que les nations « civilisées » aux ordres du marché ont, dans leur immense majorité, renoncé aux
valeurs démocratiques de la liberté, de l’égalité et de la fraternité. Elles ont opté pour la concurrence et la compétitivité tendant à faire de l’autre, de l’adversaire, un ennemi à
abattre. La violence sévissant dans notre pays est (aussi) une expression de la domination de la logique du marché dans les cœurs et les esprits de plusieurs d’entre nous.
Alliés des marchands, nous avons renoncé à la politique en tant qu’art de l’édification de la cité par la parole échangée ; par la palabre. Alliés des marchands, ils nous arrivent d’aligner
plusieurs monologues sans possibilité d’ouverture au dialogue et au désaccord fondateur. Tel est le spectacle auquel nous assistons présentement au pays : il y a d’une part les
gouvernants sortants et d’autre part, l’opposition politique plurielle. Chaque groupe confectionne ses monologues de son côté. Et au milieu, il y a les corps diplomatiques. Ces deux groupes
communiquent en passant par les diplomates et/ou les médias. Ils donnent l’impression de faire fi du fait que plusieurs de ces diplomates conduisent les politiques marchandes de leurs
pays !
C’est vrai, il est difficile que « la palabre africaine » fonctionne sur fond d’un système néolibéral miné par le concurrence et la
compétitivité. Mais ce qui est difficile n’est pas impossible. ( La Belgique a réussi, après plus de 500 jours après ses dernières élections, à mettre sur pied un gouvernement fédéral.) A
ce point nommé, la question de la qualité de nos élites peut se poser. Sont-elles capables de dépassement de leurs ego et de sacrifice pour que la cause d’un autre Congo triomphe ?
Savent-elles comme procéder pour éviter de jouer le jeu des marchands, toutes tendances confondues, cherchant à assouvir leur soif de domination du monde en réduisant notre pays à un simple
réservoir de matières premières ?
Les élections du mois de novembre devraient nous pousser à approfondir les questions géostratégiques et géopolitiques face auxquelles notre pays
est confronté. Elles n’ont pas été qu’une question politique. Les multiples interventions des « alliés marchands » ont prouvé qu’elles ont aussi été une question de géopolitique
et de géostratégie. De la prise en compte de cette triple dimension de ces élections dépendra l’avenir proche et lointain de notre pays.
L’implication des masses populaires du Congo debout dans la compréhension de cette triple dimension de ces élections pourrait, à la longue, participer
de la réinvention d’un autre Congo.
Le chemin paraît encore un peu long. A force de persévérance, nous y arriverons. A moins que la troisième guerre mondiale débutée chez nous dans les
années 90 ne s’intensifie et ne conduise à la destruction massive de deux grands blocs susmentionnés et leurs alliés.
J.-P. Mbelu