Créé le 13 -08-2011 à 05 h20 | AFRIQUE REDACTION | REDACTEUR EN CHEF : ROGER BONGOS | SITE PANAFRICAIN | ACTUALITE NATIONALE, AFRICAINE ET INTERNATIONALE | Mis à jour le samedi 13 -08-2011 à 10 h30 | AFRIQUE REDACTION PAR : SYFIAGRANDSLACS
Le choléra sévit dans plusieurs provinces de la RD Congo et a déjà touché Kinshasa, où l’on compte une dizaine de morts. Mais, aucun contrôle sanitaire sûr ne
permet de suivre les mouvements des populations le long du fleuve Congo, qui constitue l’axe de propagation de l’épidémie. Chaque jour, des voyageurs débarquent ainsi dans la capitale, sans se
faire dépister…
18 juillet, commune périurbaine de Maluku, à l’est Kinshasa. La veille, un Kinois reçoit un coup de fil de sa province d’origine, l’Equateur (nord-est de la RD
Congo). "Ton jeune frère vient d’arriver à Kinshasa. Il n’est pas bien portant. Il faut vite aller le chercher à Maluku." De bonne heure, l’homme arrive au port fluvial de Maluku, à près de 100
km du centre-ville. Il trouve son frère assis à même le sol, très affaibli. "Je ne me sens pas bien, je n’ai pas d’appétit", lui dit-il. Il est arrivé ici à bord d’une embarcation de fortune,
après plus d’une semaine de navigation sur le fleuve Congo. Avec lui, des centaines d’autres passagers à bord.
Le frère souffrant est conduit à bord d’un taxi vers un centre médical à Masina, près de l’aéroport de Ndjili. C’est là, après avoir appris que le malade
vient de la province de l’Equateur, que le personnel médical se met en alerte. Il suspecte un éventuel cas de choléra. Un rapide contrôle médical est fait et le résultat se révèle positif. Classé
dans la catégorie A des malades (non déshydratés) au premier stade de l’infection, il prend un traitement à base de sels de réhydratation orale…
Une vigilance dormante
Pour éviter tout risque de contagion, le personnel médical conseille à son frère kinois de se débarrasser des vêtements qu’il portait ce jour là, pour avoir
été en contact avec le malade. Il va aussi subir une rapide cure de désinfection, en se lavant les mains avec du savon et de l’eau chlorée. Une fois chez lui, il passe la nuit au salon, évitant
tout contact avec les siens. Il sera aussi mis en quarantaine une semaine par son employeur…
Des cas comme celui là existent par centaines. Selon le Dr Isabelle Lumbwe, médecin coordonnatrice provinciale de l’hygiène ville de Kinshasa, trois bateaux
en moyenne arrivent chaque jour dans la capitale, bondés de marchandises et de passagers. Mais, tout ce monde entre dans la ville, sans qu’aucun contrôle sanitaire ne soit effectué sur eux. Dans
les dizaines de petits ports privés mal famés implantés le long du fleuve à Kinshasa, aucune présence visible ni efficace des services d’hygiène n’existe. "Depuis deux mois que la maladie est
déclarée dans la capitale, le gouvernement ne nous a toujours pas autorisés à avoir accès aux bateaux pour les désinfecter", se plaint Jean-Théodore Efolote, coordonnateur de la lutte contre le
choléra à la Croix-Rouge.
Pourtant, à l’issue d’un comité de crise, un “Plan de contingence” de l’épidémie a été mis en place depuis juin, pour protéger la capitale. Supervisé par le
ministre national de la Santé, Victor Makweng, ce plan prévoit entre autres un contrôle rigoureux des mouvements des populations sur le fleuve. Les embarcations et leurs passagers doivent être
contrôlés et désinfectés à l’arrivée comme au départ. D’autres actions comme la sensibilisation ont été préconisées invitant la population à observer des mesures d’hygiène appropriées (se laver
les mains avec du savon ou de la cendre de braise, faire bouillir l’eau à boire, bien cuire les aliments, bien les couvrir, les consommer chauds…)
Carence de moyens de lutte
"Nous n’avons ni chlore, ni gants, ni bottes, ni lunettes pour faire notre travail", déplore le Dr Isabelle Lumbwe. D’après le Dr Jean-Marc Kanyonga de
l’Inspection provinciale de la santé, chargé de la lutte contre le choléra à Kinshasa, c’est le financement du plan de lutte qui pose problème. "Nous avons moins de 15 % des fonds requis pour la
contingence", révèle-t-il. Au bureau de l’OMS à Kinshasa, on affirme pourtant avoir répondu à l’état des besoins présenté par le Plan de contingence. Conséquence : en deux mois, le choléra
progresse dans Kinshasa, avec des chiffres connus de 124 malades au 26 juillet et 14 morts selon Kanyonga. Partie de Maluku puis Kingabwa, au bord du fleuve, l’épidémie pénètre maintenant à
l’intérieur de la ville, touchant les zones de santé de Masina, Kalamu, Nsele, Matete, Ngaba…
Médecin directeur de l’hôpital d’Etat de Maluku où un centre de traitement d'urgence du choléra a été installé, le Dr Edho Bolamba Ghelogo dit avoir reçu
jusque-là 64 malades, "la plupart amenés par les communautés locales." Au port de Maluku, malgré la menace qui les guette, les habitants en contact permanent avec les voyageurs gardent toujours
les mêmes habitudes. "Bouillir l’eau du fleuve avant de la consommer change son goût et la chlorer lui donne une odeur", disent-ils. Des constats et comportements inquiétants, qui laissent libre
court à l’épidémie. "Aussi longtemps que nous n’aurons pas d’eau potable à donner à cette population, aussi longtemps qu’elle n’aura pas de toilettes hygiéniques, le choléra sera toujours avec
nous", prévient Isabelle Lumbwe.
ENCADRE
Le choléra gagne du terrain
(Syfia Grands Lacs/RD Congo) L’épidémie de choléra qui sévit en RD Congo depuis mars progresse tout le long du fleuve Congo. Après avoir été déclarée dans la
Province Orientale, elle a atteint les provinces de l’Equateur, de Bandundu, avant de toucher la capitale, Kinshasa. Selon le Bureau de coordination des Affaires humanitaires des Nations unies
(Ocha), les statistiques compilées pour les quatre provinces touchées donnaient un total de 3 773 malades à la date du 20 juillet depuis le début de l’épidémie et de 257 décès. Mais, l'épidémie
continue de progresser et de nouveaux cas sont régulièrement diagnostiqués. A ce jour, on ne peut pas dire que la situation soit sous contrôle.
Didier Kebongo