Créé le 04-11-2011 à 14 h00 | AFRIQUE REDACTION | REDACTEUR EN CHEF : ROGER BONGOS | SITE PANAFRICAIN | ACTUALITE NATIONALE, AFRICAINE ET INTERNATIONALE | Mis à jour le Vendredi 04-11-2011 à 14H 40 | AFRIQUEREDACTION PAR : Nouvel observateur
Le climat dans lequel la République démocratique du Congo s'achemine vers les élections prévues le 28 novembre fait craindre le pire. A peine sortie de deux guerres
(1996-1997, 1998-2003) qui ont fait de 2,5 millions à 5,4 millions de morts selon les estimations, la République démocratique du Congo (RDC), pourrait sombrer dans un nouveau cycle de violence, à
l'issue des élections législatives et présidentielle à un tour prévues le 28 novembre. "Un scénario à l'ivoirienne n'est pas du tout invraisemblable", avertit Pascal Kambale, joint au téléphone
jeudi 3 novembre. Son ONG, l'Open Society Initiative for Southern Africa (OSISA), est loin d'être la seule à tirer la sonnette d'alarme.
Des urnes à la rue
Sur les 11 candidats à la présidentielle, deux d'entre eux monopolisent la campagne électorale, qui a officiellement débuté le 28 octobre. Au point que celle-ci est
en passe de virer au duel entre le président sortant, Joseph Kabila, 40 ans, et l'opposant historique Etienne Tshisekedi de l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), 78
ans.
Or, l'un comme l'autre semblent convaincus de leur victoire. A Etienne Tshisekedi, qui avait déclaré être "sûr de gagner à 100%" les élections, Joseph Kabila a
rétorqué : "Quelqu'un est sûr de gagner les élections à 100% ? Je ne sais pas, mais moi je suis certain que je ne vais pas les perdre".
Un échange qui est de nature à nourrir les craintes. "Si on continue comme ça, les résultats des élections seront probablement contestés et la confrontation
politique débouchera sur une forme violente, avec une démonstration de force dans la rue comme en Côte d'Ivoire", juge Pascal Kambale. Le président sortant Laurent Gabgbo et son principal rival
Alassane Ouattara avaient tous deux revendiqué la victoire lors de l'élection présidentielle de la fin 2010, plongeant ainsi la Côte d'Ivoire dans une grave crise politique. "La seule différence,
c'est qu'en Côte d'Ivoire, l'opposition était armée", souligne Kambale.
Ce scénario est d'autant plus plausible que l'UDPS de Tshisekedi vient d'épuiser la carte du recours judiciaire. La Cour suprême de justice a rejeté la plainte
qu'il avait déposée contre la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), chargée d'organiser les élections, et qu'il accusait de partialité.
"Amateurisme et opacité"
C'est sur cette commission électorale que tous les yeux sont désormais braqués. Pourra-t-elle faire en sorte que les élections se tiennent en temps et en heure dans
les meilleures conditions possibles ? Les ONG en doutent.
Pour que les 32 millions d'électeurs puissent voter, le défi consiste à déployer, en quelques mois, 186.00 urnes et 64 millions de bulletins dans les 62.000 bureaux
de vote répartis dans ce pays grand comme quatre fois la France. "Nous avons les urnes en Allemagne, les isoloirs à Beyrouth, les kits électoraux en Chine, les bulletins de vote en Afrique du
sud, c'est costaud !", admet Matthieu Mpita, rapporteur de la Commission électorale, interrogé par l'AFP.
Pascal Kambale dénonce, lui, "l'amateurisme et l'opacité" de cette commission. "Les conditions sont loin d'être réunies pour que les élections se tiennent de
manière transparente", estime également Tshivis Tshivuadi, secrétaire général de Journalistes congolais en danger (JED). "Il est important d'apaiser les esprits avant les élections, le
gouvernement et la commission doivent avoir le courage de dire la vérité : il vaudrait mieux reporter le scrutin de quelques mois."
Un climat de violence
D'autant que le climat de violence dans lequel s'est engagé ce deuxième processus électoral depuis la fin de guerre (le premier, en 2006, qui avait conduit à
l'élection de Joseph Kabila, avait justement été boycotté par Etienne Tshisekedi) accrédite l'hypothèse d'un scénario catastrophe.
La campagne électorale a déjà été entachée par de nombreuses atteintes aux droits de l'homme. Manifestations de l'opposition durement réprimées, au point que l'UDPS
a vu l'un de ses partisans tué, incitations à la violence, opposants arrêtés, journalistes sous pression, apparition de ce qui ressemble à des milices de jeunes partisans nouvellement recrutés…
le tout dans un climat d'impunité. Il y a de quoi s'alarmer.
Vendredi dernier, 41 ONG congolaises et étrangères avaient appelé "tous les acteurs congolais et internationaux concernés à prendre des mesures urgentes pour
prévenir la violence électorale, mieux protéger les civils et assurer des élections crédibles, libres et transparentes." Les ONG appellent notamment la communauté internationale, beaucoup moins
investie que lors du scrutin de 2006, à faire pression sur les autorités pour que la RDC ne bascule pas de nouveau dans le chaos.
Le processus de pacification est encore si fragile. A l'est, des groupes armés sont toujours actifs, rendant la zone encore très instable. A ses frontières, entre
la RDC et ses voisins, comme le Congo Brazzaville et l'Angola, la méfiance est de mise...
Sarah Halifa-Legrand – Le Nouvel Observateur