Créé le 06 -04-2011 à 03h20 | AFRIQUE REDACTION | REDACTEUR EN CHEF : ROGER BONGOS | SITE PANAFRICAIN | ACTUALITE | RDC | Mis à jour le mercredi 06 -04-2011 à 21 h20 | AFRIQUE REDACTION
PAR : LE POTENTIEL
La République démocratique du Congo a tenté en vain de venir à bout de la grande « maffia » politico-militaire qui s’est développée autour des mines de l’Est. Avec
l’entrée en vigueur de la loi américaine sur les minerais de l’Est, ceux qui alimentent le commerce illicite sont aux abois.
Il y a quelques mois, Kinshasa avait tenté de mettre de l’ordre dans ce secteur en interdisant pour une durée indéterminée l’exploitation minière dans les provinces
du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et du Maniema. L’objectif poursuivi était de décourager une maffia impliquant des autorités civiles, politiques et militaires à tous les échelons.
Cette tentative s’est soldée par un échec cuisant. Si bien que le gouvernement s’est trouvé dans l’obligation de revenir sur sa décision : il a levé la mesure.
Depuis un mois, l’activité minière a repris plus belle. Les exploitants donnant l’impression de redoubler d’ardeur afin de récupérer le retard pris pendant toute la période de
suspension.
Curieusement, le constat fait sur le terrain montre que l’évolution de la situation ne joue pas en leur faveur. Ils sont en passe de faire de mauvaises affaires
suite à l’entrée en vigueur depuis le 1er avril 2011 de loi américaine, dite loi Dodd-Frank, sur la certification des minerais en provenance de l’Est de la RDC.
En fait, le « Financial reform act » du président Obama sur les minerais de la RDC inquiète sérieusement les maffieux et autres pilleurs qui ont pris pied dans
l’Est du pays. Car, au vu des prescrits de cette loi américaine, d’importants stocks des minerais extraits à l’Est de la RDC courent le risque de ne pas trouver preneur sur le marché
international, faute de certification.
La panique est telle que la Société civile du Nord-Kivu est montée au créneau pour soutenir la cause des exploitants, surtout ceux appelés creuseurs. Dans un
communiqué diffusé en fin de semaine dernière, celle-ci plaide pour un moratoire de six à 12 mois, avant l’entrée en application de la loi Dodd-Frank.
Pour leur part, les opérateurs économiques du secteur minier du Nord-Kivu ont lancé un cri de détresse en direction du gouvernement central dans le même sens. Si,
d’un côté, ils disent adhérer à l’initiative américaine, ils manifestent, cependant, de sérieuses craintes pour leurs activités. Qu’adviendrait-il si les Etats-Unis posaient leur embargo sur tous
les minerais en provenance de la RDC ?
Le président provincial des opérateurs du Nord-Kivu, John Kanyoni, a exprimé à haute voix ses inquiétudes : «Nous n’avons pas encore le temps d’être plus pratiques
sur le terrain, depuis le puits jusqu’au point d’exportation. C’est ainsi que nous demandons aux autorités américaines, à travers ce qu’on appelle:’’Security change Commission’’, de nous donner
suffisamment de temps, afin que notre secteur ne puisse pas se retrouver dans une situation d’embargo ».
Si à l’Est de la RDC, la loi américaine sème le désarroi dans les rangs des miniers, aux Etats-Unis, par en revanche, l’administration Obama tente de calmer le jeu,
en recadrant le sens de son initiative.
Victoria Holt rassure
De passage ce week-end en RDC, Mme Victoria Holt, sous-secrétaire d’Etat américain chargée du Bureau des affaires des organisations internationales, a tenté de
jouer au sapeur-pompier. « Ce qui est nécessaire, c’est d’assurer la plus grande traçabilité des minerais, en ce que toute multinationale, toute compagnie étrangère doit se conformer à certains
principes, c’est-à-dire, la transparence, la légalité de leurs opérations sur place », a-t-elle confié.
Pour la diplomate américaine, cette loi « ne devra pas être perçue comme une sanction, quelle qu’elle soit, mais plus comme la volonté de vouloir mettre fin à ce
genre de pratique et à pouvoir assurer que le trafic des minerais se fasse de manière la plus transparente qui soit ».
Selon elle, c’est plutôt la voie choisie par l’administration Obama pour mettre un terme au drame qui sévit autour des ressources minières de cette partie troublée
de la RDC.
Pour Victoria Holt, il est important que cette loi soit d’application pour, entre autres, décourager ceux qui, tout en étant dans le commerce illicite des minerais,
ravivent l’insécurité dans cette partie Est de la RDC. C’est donc à cette maffia, dénoncée déjà par Kinshasa avec la mesure de suspension d’exploitation minière, que les Etats-Unis se sont
attaqués à travers la Dodd-Frank. Il s’agit de ceux qui opèrent dans le noir.
En réalité, les Etats-Unis tendent à accomplir le travail que le gouvernement congolais n’a pas pu réaliser, malgré la dernière mesure d’interdiction. En levant
finalement cette mesure, Kinshasa a étalé à la face du monde son incapacité à apporter une solution durable pour une gestion saine des ressources minières de l’Est. D’autant que, celle levée
rouvrait grandement la porte à la maffia politico-militaire de l’Est. La loi Dodd-Frank vient combler ce vide laissé délibérément par la RDC.
Est-ce que Kinshasa saura saisir cette main qui lui est tendue par les Etats-Unis ? Est-ce que ceux tirent du désordre minier à l’Est seront-ils prêts à se faire
hara kiri en adhérant réellement à l’initiative ? Ce sont toutes ces questions que l’opinion se pose.
Lors de son passage en 2010 dans l’Est, le Chef de l’Etat, Joseph Kabila, a déclaré que l’activité minière de l’Est de la RDC était un business, une « maffia » où
se mêlent des autorités civiles, politiques et militaires à tous les niveaux (local, provincial et national). Ce sont malheureusement ces personnes qui devront accepter de scier l’arbre sur
lequel elles sont assises, en se soumettant à la nouvelle législation américaine.
Saisir la main tendue
Le plus urgent pour Kinshasa est de faire preuve de coopération, sans préjudice à sa souveraineté. Il s’agit de mettre en place des mécanismes d'étiquetage et de
certification des minerais pour se conformer aux exigences de la loi américaine. Le moratoire n’est qu’une fuite en avant. Pour ce cas précis, l’intérêt du pays est qu’avec une traçabilité
assurée et une transparence garantie, le gouvernement peut engranger des millions USD de la grande activité minière qui bouillonne dans l’Est.
Encadré : Les normes internationales dans la gestion des minerais découlent de la loi Dodd-Frank, promulguée le 21 juillet 2010 par le président des Etats-Unis,
Barack Obama. La loi oblige les entreprises à publier leurs revenus, ainsi que les paiements fiscaux qu’elles adressent aux gouvernements du monde entier.
Cette loi de 2500 pages appelée «Financial reform act» est une disposition qui concerne particulièrement les minerais de l’Est de la RDC tels que la cassitérite, le
coltan, l’or, etc. Elle exige des opérateurs économiques la mise en place des procédures qui leur permettent de s’assurer qu’ils ne contribuent pas aux conflits dans la région.
La loi Dodd-Frank sur les minerais de sang doit, en principe, entrer en vigueur le 1er janvier 2012. Mais certaines sociétés internationales, évoluant notamment
dans l’électronique, se sont dites prêtes à l’appliquer de manière anticipée dès le 1er avril 2011 en n’achetant plus les produits miniers des zones en conflits armés en RDC.
D’où, la panique dans le rang des opérateurs miniers de l’Est, particulièrement ceux du Nord-Kivu.