Un pays, surtout post-conflit, comme le nôtre, ne peut pas espérer se construire avec des passions mal maîtrisées. Tout ce qui est excessif et exclusif ne peut pas, par ce temps de fortes incompréhensions, porter bonheur à notre pays. Nous devons donc faire attention et bien réfléchir à la manière dont nous entendons gérer la situation postélectorale. Dont tout le monde sait qu'elle donne des insomnies justifiées à beaucoup de Congolais. En clair, cela veut dire que la situation qui s'est installée dans notre pays au lendemain de la proclamation des résultats de l'élection présidentielle du 28 novembre passé n'autorise pas, compte tenu de sa complexité, que nous puissions fermer les yeux devant les passions, ô combien funestes, qui se déchaînent ici et là. Et qui devraient constituer un motif de profonde préoccupation pour chacun d'entre nous.

Ces passions  sont telles que, si l'on n'y prend pas garde, et si donc nous ne les maîtrisons pas assez rapidement, elles peuvent conduire la RDC à passer, à cause de notre distraction, au moins une vingtaine d'années avant qu'elle ne se remette sur les rails. Car, visiblement, tous les ingrédients sont en train d'être assaisonnés pour un embrasement, dont la mèche, pour allumer ce feu fatal ne se trouve qu'au coin de la rue.

Sincèrement, la situation de deux présidents, deux gouvernements et, peut-être deux forces, n'est pas sereinement vivable. Le bras de fer a pris le dessus : l'opposition qui a perdu les élections n'entend pas baisser les bras et la majorité qui a gagné, ne veut voir personne danser le tango sur son nez. Voilà un cocktail qui se prépare à nous conduire là où seule l'élite, mieux, la classe politique sait. Alors que, dans tous ses messages et discours, cette même classe politique ou élite rêve de voir la RDC parmi les pays émergents d'ici les dix prochaines années. Comme si, pour devenir un pays émergent, il faille vendre quelques cacahuètes ou construire quelques cases. Oui, si l'intensité de notre cécité ne nous emporte pas avant le 31 décembre courant.

Qu'est-ce que cela coûterait aux hommes politiques de regarder dans la même direction, d'avoir pitié de ce peuple au nom duquel ils aiment tous parler, mais qu'ils ne respectent pas et de se dire : assez ! Et adopter une solution qui laisse la présidence à la majorité et la primature à une personne neutre nommée par le Président de la République élu et reconnu par la Cour suprême de justice pour former un gouvernement de consensus national, pendant que la deuxième personnalité la mieux votée à la présidentielle occuperait la Présidence du Sénat et l'Assemblée nationale confiée à une personnalité de la Majorité présidentielle.

Voilà une des voies de sortie de crise qui pourrait arranger tout le monde et calmer des passions un peu trop manifestes pour, finalement, nous amener à un climat de paix, favorable à la poursuite de nos objectifs de développement. Le reste n'étant pour l'instant que du temps perdu.

 

Dr Edouard Lukikeba