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Recolonisation

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Crée le 30-12-2011-12h00 | AFRIQUE REDACTION | REDACTEUR EN CHEF : ROGER BONGOS | SITE PANAFRICAIN |ACTUALITE NATIONALE, AFRICAINE ET INTERNATIONALE | Mis à jour le vendredi  30-12-2011     13H25  AFRIQUE REDACTION PAR:LE PTENTIEL

Durant la 16ème session du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, en mars 2011, Via Campesina, conjointement avec deux ONG, le FIAN et le CETIM, a organisé un side event en consultation informelle sur la protection des droits des paysans (droits à la terre, aux semences, à l’eau, etc.). L’ambassadeur d’Afrique du Sud en charge des droits de l’homme, l’intraitable Pizo Movedi, a déclaré à cette occasion : « D’abord, ils ont pris les hommes, maintenant, ils prennent nos terres… nous vivons la recolonisation de l’Afrique. »

La malédiction de l’« or vert » s’étend en effet aujourd’hui à plusieurs pays d’Asie, d’Amérique latine et d’Afrique. Presque partout dans le monde, mais surtout en Asie et en Amérique latine, l’accaparement des terres par les trusts du bioéthanol s’accompagne de violences.

L’exemple de la Colombie est paradigmatique. La Colombie est le cinquième pays producteur d’huile de palme au monde : 36 % de la production sont destinés à l’exportation, principalement vers l’Europe.

En 2005, 275000 hectares étaient occupés par cette culture. L’huile de palme est utilisée pour la fabrication d’agrocarburants. 1 hectare de palmiers produit 5 000 litres d’agrodiesel.

Dans pratiquement toutes les régions de Colombie où la palme a été plantée, la violation des droits humains a accompagné cette opération: appropriations illégales de terres, déplacements forcés, assassinats sélectifs, « disparitions ».

Le schéma qui se répète dans presque toutes les régions concernées commence avec des déplacements forcés de populations et s’achève par une «pacification» de la zone par des unités paramilitaires à la solde des sociétés transcontinentales privées. Entre 2002 et 2007, 13 634 personnes, dont 1 314 femmes et 719 enfants, ont été tuées ou ont disparu du fait essentiellement des attaques des paramilitaires.

Voici un premier exemple. En 1993, l’Etat colombien a reconnu, par la Ley 70 (loi numéro 70), les droits de propriété des communautés noires qui exploitaient traditionnellement les terres des bassins des fleuves Curvarado et Jiguamiando. Cette loi stipule que personne ne peut s’approprier les 150000 hectares des deux bassins fluviaux sans le consentement des représentants des communautés. Mais la réalité, sur le terrain, est toute autre.

Les familles des paysans ont fui les paramilitaires. Du coup, les sociétés transnationales des palmiers à huile ont pu tranquillement planter leurs arbres. Les paramilitaires sont arrivés dans la région en 1997, provoquant la désolation: maisons incendiées, assassinats sélectifs, menaces, massacres.

Les organisations de défense des droits humains ont dénombré entre 120 et 150 assassinats, et le déplacement forcé de 1500 personnes. Immédiatement après le déplacement, les entreprises ont commencé à planter les premiers palmiers. En 2004, 93% des territoires collectifs des communautés étaient occupés par des palmiers à huile.

Prenons un autre exemple, celui du long combat perdu des familles paysannes de Las Pavas, tel que le décrit Sergio Ferrari. Ici, les parrains du crime organisé se sont unis aux latifundiaires pour déposséder de ses terres une communauté de plus de 600 familles dans le département de Bolivar, au nord de la Colombie. La tragédie remonte aux années 1970, lorsque ces paysans furent expulsés par des latifundiaires qui vendirent leurs parcelles à Jésus Emilio Escobar, parent du parrain de la drogue, Pablo Escobar. En 1997, Escobar abandonna la propriété et la communauté regagna ses parcelles pour y cultiver du riz, du. Les courageux paysans de Las Pavas n’avaient pas supporté de végéter dans ¬leur camp pour personnes déplacées. Petit à petit, les familles étaient revenues. En 2006, elles déposèrent au ministère de l’Agriculture une demande pour faire reconnaître leurs droits de propriété. C’est le moment que choisit Escobar pour redéloger er les familles par la force, détruisant leurs récoltes et vendant le terrain au consortium El Labrador, spécialisé dans la culture extensive de la palme à huile et réunissant les entreprises Aportes San Isidro et Tequendama.

En juillet 2009, les paysans, qui continuaient, malgré les menaces, à cultiver une partie de leurs parcelles, furent à nouveau expulsés par la police, une mesure que le ministère de l’Agriculture lui-même jugea illégale. En 2011, un nouveau président est au pouvoir à Bogota, Juan Manuel Santos. Son prédécesseur, Alvaro Uribe, avait partie liée avec les tueurs paramilitaires. Santos, lui, est proche des milieux des latifundiaires. Les dirigeants de l’agro-industrie de la palme, notamment ceux de la société Tequendama, sont ses amis. Les familles paysannes de Las Pavas n’ont donc pas la moindre chance d’obtenir justice.

Observons ce qui se passe dans une autre partie du monde, en Afrique. En Angola, le gouvernement annonce des projets destinant 500000 hectares de terre à la culture d’agrocarburants. Ces projets conjugueront leurs effets avec l’expansion massive des monocultures de bananes et de riz menée par les multinationales Chiquita et Lonrho, mais aussi par certaines compagnies chinoises. En 2009, Biocom (Companhia de Bioenergia de Angola) a commencé à planter de la canne à sucre sur un site de 30 000 hectares. Biocom est partenaire du groupe brésilien Odebrecht et des sociétés angolaises Damer et Sonangol (la compagnie pétrolière de l’Etat angolais).

La firme portugaise Quifel Natural Resources projette, de son côté, de cultiver du tournesol, du soja et du jatropha dans la province méridionale de Cunene. La compagnie prévoit d’exporter les récoltes en Europe afin qu’elles soient transformées en agrocarburants. La compagnie portugaise Gleinol produit depuis 2009 de l’agrodiese1 sur 13 000 hectares. La compagnie pétrolière de l’Etat angolais Sonangol, associée au consortium pétrolier italien ENI, projette d’agrandir les plantations existantes de palmiers à huile dans la province de Kwanza Norte afin de produire des agrocarburants.

Au Cameroun, l’ancienne compagnie d’Etat, la Socapalm (Société camerounaise de palmeraies) est aujourd’hui partiellement dans les mains du groupe français Bolloré. Elle annonce son intention d’accroître la production d’huile de palme. La Socapalm possède des plantations dans les régions du centre, du sud et du littoral du Cameroun. Elle a signé un bail de soixante ans sur 58000 hectares de terres, en 2000. Bolloré est, par ailleurs, directement propriétaire des 8 800 hectares de la plantation de Sacafam.

Dans ce pays, les plantations de palmiers à huile détruisent des forêts primaires, aggravant encore la déforestation en cours depuis longtemps sous l’effet combiné de l’exploitation du bois et du défrichement. C’est que le gouvernement de Yaoundé soutient, depuis les années 1990, le développement de l’huile de palme par l’intermédiaire de ses compagnies d’Etat, la Socapalm, la Cameroun Development Corporation (CDC), la Compagnie des oléagineux du Cameroun (COC). Or la forêt tropicale de l’Afrique centrale est la deuxième par la taille dans le monde derrière l’Amazonie et constitue un des principaux «puits de carbone» de la planète. Il faut savoir aussi que de nombreuses communautés dépendent de cette forêt et de sa riche biodiversité pour leur subsistance et comptent sur les produits de la chasse et de la cueillette pour leur subsistance. Du coup, ces communautés risquent l’anéantissement.

Le gouvernement du Bénin propose de convertir 300 000 à 400 000 hectares de zones humides en plantations de palmiers à huile dans le sud du pays. Le palmier à huile est, certes, une plante originaire des zones humides, mais les plantations vont drainer les terrains et la riche biodiversité qu’ils abritent s’en trouvera détruite. Mais c’est en République démocratique du Congo que s’annoncent certains des plus gros projets en matière d’agro¬carburants. En juillet 2009, l’entreprise chinoise ZTE Agribu¬siness Company Ltd a annoncé son projet d’installer une plantation de palmiers à huile de 1 million d’hectares afin de produire des agrocarburants. ZTE avait annoncé précédemment, en 2007, qu’elle investirait jusqu’à 1 milliard de dollars dans une plantation de 3 millions d’hectares. La société multinationale italienne de l’énergie ENI possède, de son côté, au Congo, une plantation de palmiers à « huile de 70 000 hectares.

L’Ethiopie marxiste se lance, elle aussi, avec enthousiasme dans l’aliénation de ses terres! Elle a mis près de 1,6 million d’hectares de terres à la disposition des investisseurs désireux de développer des exploitations de cannes à sucre et de palmiers à huile. Jusqu’en juillet 2009, 8420 investisseurs locaux et étrangers avaient reçu les autorisations nécessaires pour s’installer.

L’investisseur agricole le plus puissant du pays est le multimilliardaire saoudien Mohamed Al-Amoudi. Sa Saudi Star Agricultural Development Company détient des dizaines de milliers d’hectares dans quelques-unes des rares régions véritablement fertiles d’Éthiopie, au Sidamo et à Gambella. Il s’apprête à y acquérir 500000 hectares supplémentaires pour planter de la canne à sucre destinée à la production de bio¬éthanol.

Au Kenya, la compagnie japonaise Biwako Bio-Laboratory cultivait, en 2007, 30000 hectares de jatropha curcas, avec pour objectif la production d’huile de jatropha, et envisageait d’agrandir ses exploitations jusqu’à 100000 hectares en dix ans. La compagnie belge HG Consulting assure, de son côté, le financement du projet Ngima. Celui-ci utilise la canne à sucre cultivée par de petits paysans sous contrat travaillant sur 42 000 hectares. La compagnie canadienne Bedford Biofuels s’est assurée, quant à elle, de 160 000 hectares de terres pour planter du jatropha. Elle détient une option pour 200 000 hectares supplémentaires.

En 2008, le président malgache, Marc Ravalomanana, a conclu un accord secret avec l’entreprise transcontinentale coréenne Daewoo prévoyant la cession de 1 million d’hectares de terres arables. Daewoo en recevrait la concession gratuitement pour quàtre-vingt-dix-neuf ans sans aucune contrepartie monétaire. Daewoo prévoyait d’y planter des palmiers à huile destinés à la production de bioéthanol. La seule obligation incombant à Daewoo consistait à construire des routes, des canaux d’irrigation et des dépôts.

Le 28 novembre 2008, le Financial Times de Londres révéla le contenu du contrat. Marc Ravalomanana fut chassé du palais présidentiel par le peuple en colère. Son successeur annula le contrat.

La Sierra Leone est le pays le plus pauvre du monde.. La société transcontinentale privée Addax Bioenergy, dont le siège est à Lausanne, vient d’y acquérir une concession de 20 000 hectares de terres fertiles. Elle veut y planter de la canne à sucre pour fabriquer du bioéthanol destiné au marché européen. Une extension à 57 000 hectares est prévue.

Addax Bioenergy appartient au multimilliardaire vaudois Jean-Claude Gandur. La soixantaine épanouie, doué d’une intelligence brillante et d’une vitalité apparemment inépuisable, ce passionné d’affaires et d’art est fascinant par ses contradictions. Il est né en Azerbaïdjan, a grandi en Egypte et a fait ses études à Lausanne. C’est auprès du sulfureux Marc Rich, à Zoug, qu’il a fait ses classes de trader.

En 2009, Gandur a vendu sa société transcontinentale Addax Petroleum pour 3 milliards de dollars à la société chinoise Sinopec. La générosité personnelle de Gandur est légendaire. Il vient de confier sa double collection d’antiquités et de peinture abstraite française au Musée d’art et d’histoire de Genève, et s’est engagé à contribuer pour 40 millions de francs suisses à l’agrandissement du musée. Sa fondation lutte contre le noma au Burkina Faso.

Joan Baxter a visité le site en Sierra Leone. Elle raconte: « Répartis dans vingt-cinq villages du centre de la Sierra Leone, de petits exploitants agricoles produisent leurs propres semences et cultivent du riz, du manioc et des légumes. Adama, qui est en train de planter du manioc, assure que les revenus qu’elle tire de ses récoltes lui permettent de subvenir aux besoins de son mari paralysé et d’acquitter les frais de scolarité de ses trois enfants. Charles, qui revient des champs et rentre chez lui dans la chaleur de la fm d’après-midi, peut envoyer ses trois gamins à l’école grâce au produit de sa petite ferme. L’année prochaine, la majeure partie de ces agriculteurs ne pourront plus cultiver leurs terres [...]. Adama ne sait pas encore qu’elle va bientôt perdre les champs de manioc et de poivre qu’elle cultive sur les hautes terres ».

Addax Bioenergy a conclu son contrat avec le gouvernement de Freetown. Les paysans vivant dans les vingt-cinq vil¬lages ont appris par ouï-dire leur ruine. Le problème est commun à toute l’Afrique noire. Pour les terres rurales, il n’existe généralement pas de registre foncier; pour les sols urbains, il n’en existe que dans quelques villes. Théoriquement, toute la terre appartient à l’Etat. Les communautés rurales n’ont qu’un droit d’usufruit des terres qu’ils occupent.

Addax ne prend pas de risques. Elle fait financer son projet par la Banque européenne d’investissement et la Banque africaine de développement. En Sierra Leone, comme dans de nombreux autres pays de l’hémisphère Sud, ces deux banques (comme d’autres ailleurs) se font les complices actifs de la destruction des conditions de vie des familles paysannes africaines.

Trois concessions supplémentaires sont en négociation entre le gouvernement et Addax Bioenergy. Toujours avec l’appui des deux banques mentionnées. Ces nouvelles concessions portent sur des terres où prospéreront des plantations géantes de palmiers à huile.

La Sierra Leone sort d’une effroyable guerre civile de onze ans. En dépit de l’arrêt des combats en 2002, la reconstruction n’avance pas. Près de 80 % de la population vit dans l’extrême pauvreté. Elle est gravement et en permanence sous-alimentée.

L’étude de faisabilité d’Addax Bioenergy évoque l’importation de machines, de camions, de pulvérisateurs d’herbicides. Elle prévoit l’utilisation d’engrais chimiques, de pesticides, de fongicides. Addax a choisi ces terres pour une raison précise : elles sont bordées par un des fleuves les plus importants de Sierra Leone, le Rokel. Le contrat ne prévoit aucune clause sur la quantité d’eau qu’il sera permis de pomper pour arroser les plantations ni sur l’usage qui sera fait des eaux usées. Pour les paysans de toute la région se profile la menace du manque d’eau potable et d’irrigation et le danger de pollution menace.

Formellement, Addax a conclu un contrat de location sur cinquante ans, au prix de 1 euro par hectare. Le contrat assure à la société l’exemption de l’impôt sur le revenu des personnes physiques et des taxes douanières sur l’importation de matériel.

Les Suisses sont habiles. Ils ont associé à leur entreprise un influent homme d’affaires local, Vincent Kanu, et surtout le député de la région, Martin Bangura. Sur le papier, la Sierra Leone est une démocratie. De fait, les députés règnent sur leur région comme des satrapes.

Addax Bioenergy a chargé Bangura d’« expliquer» aux populations locales le détail du projet. Selon le député, les paysans spoliés bénéficieront, en guise de contrepartie, des 4000 emplois qu’Addax Bioenergy a promis de créer. Mais une étude indépendante effectuée sur place dément cette promesse. Peu d’emplois sont prévus. D’ailleurs, à quelles conditions? Nul ne l’a dit…

En 2007, devant l’Assemblée générale des Nations unies à New York, j’avais déclaré: «Produire des agrocarburants avec des aliments est criminel. » J’en avais demandé l’interdiction. Les seigneurs de l’« or vert » ont réagi avec vigueur.

La Canadian Renewable Fuels Association, la European Bioethanol Fuel Association et la Brazilian Sugar Cane Indus¬try Association – trois des plus puissantes fédérations de pro¬ducteurs de bioéthanol – sont alors intervenues auprès de Kofi Annan pour dénoncer ma déclaration «apocalyptique» et « absurde». Je n’ai pas changé d’avis.

Sur une planète où toutes les cinq secondes un enfant de moins de dix ans meurt de faim, détourner des terres vivrières et brûler de la nourriture en guise de carburant constituent un crime contre l’humanité.

Jean Ziegler, tiré de Destruction massive : géopolitique de la faim, Editions du seuil, Paris, octobre 2011, 243 p.


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