Crée le 06-01-2012- 14h05 | AFRIQUE REDACTION | REDACTEUR EN CHEF : ROGER BONGOS | SITE PANAFRICAIN |ACTUALITE NATIONALE, AFRICAINE ET INTERNATIONALE | Mis à jour le vendredi 06-01-2012 14H15 AFRIQUE REDACTION PAR : LE POTENTIEL
40 personnes tuées à Shabunda, au Nord-Kivu, entre lundi et mardi. 26 autres, dans la même région depuis le début de l’année. Dans le Haut-Katanga, le seigneur de
guerre «Gédéon» a repris du poil de la bête après s’être évadé de la prison centrale de la Kasapa, à Lubumbashi. Il sème terreur et désolation. Encore des morts. Toujours des morts. Du coup, la
question sensible de la réforme de l’armée refait surface. Elle est même devenue une urgence face aux défis de la stabilisation des institutions de la République, d’un Etat moderne.
La paix, la sécurité : les premiers dossiers de l’année 2012. En témoignent les premiers morts de l’année dans l’Est du pays, principalement au Kivu où les groupes
armés demeurent toujours actifs. Il s’agit particulièrement des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda, FDLR, toujours elles et encore elles alors qu’une armée internationale
d’imposition de paix, forte de 17 000 hommes se trouve encore en RDC. En l’espace de cinq jours, ils ont assassiné 66 personnes, des Congolais, dont 40 à Shabunda, au Nord-Kivu. Ajouter à cela
des personnes blessées et des femmes violentées sans oublier des disparus et des déplacés. Drôle de manière d’adresser des vœux aux autorités congolaises.
Comme si cela ne suffisait pas, dans le Haut-Katanga, le seigneur de guerre, Kyungu Mutanga, alias Gédéon, vient de refaire surface après son évasion spectaculaire
de la prison centrale de la Kasapa, à Lubumbashi. Il sème la terreur et la désolation dans cette partie de la province du Katanga. Mgr Fulgence Muteba Mugalu, évêque de Kilwa-Kasenga, vient de
tirer la sonnette d’alarme. Deuxième défi aux autorités congolaises.
Une chose est vraie : la paix, la sécurité en République démocratique du Congo demeurent un sujet d’actualité. Elles sont loin d’être une réalité au pays de Joseph
Kabila. Bien plus, elles restent insaisissables tant que les groupes armés, les forces négatives, à savoir FDLR, Maï- Maï, seigneurs de guerre ne seront pas neutralisés et ont le vent en poupe.
Une situation qui menace effectivement les institutions de la République.
Les grandes réformes
Parmi les grands défis à relever dans cette perspective de stabiliser les institutions de la République, la réforme de l’armée demeure incontestablement une
priorité. Aldo Ajello, alors envoyé spécial de l’Union européenne dans la région des Grands Lacs, insistait avec force pour que la réforme de l’armée soit une priorité des priorités. Aucune
initiative, aucun programme de développement national n’aboutirait si la RDC ne disposait pas d’une armée nationale, républicaine, apolitique et dissuasive.
Sage conseil qui n’a pas été pris en compte. Les Congolais, friands de la «politique des résultats immédiats», ont renversé l’échelle des priorités pour privilégier
la solution politique en vue du partage des privilèges du pouvoir. Conséquence ? Voilà près de dix ans que l’on court derrière cette paix, cette sécurité, mais rien n’y fait. Les forces négatives
sont toujours là, s’accommandant même avec leur nouvelle nature. Par deux fois, en 2006 et en 2011, elles ont monnayé leur présence, accentuant la pression par des attaques sporadiques en vue de
perturber les élections dans le but de demeurer en RDC. Des opérations conjointes militaires si elles ont diminué leur capacité de nuisance, elles n’ont pas pour autant anéanti leur puissance de
feu. Les opérations militaires Kimia I, Kimia II, Amani Leo se sont avérées inefficaces, entretenant la thèse selon laquelle la paix et la sécurité étaient devenues un «fonds de commerce tant
pour Kinshasa que pour Kigali», sans oublier les faiseurs de guerre et de paix qui mettent cette insécurité à profit pour continuer à piller les richesses congolaises. Pour corroborer ces propos,
les experts des Nations unies viennent de publier un autre rapport au début de cette année. Ils accusent les FLN du Burundi, les FDLR du Rwanda et la LRA de l’Ouganda de constituer leur économie
de guerre en pillant les minerais de la RDC. Ainsi, le Kenya, le Rwanda et le Burundi sont les principales voies d’exploitation et d’évacuation de ces minerais.
Mais au-delà, c’est la balkanisation de la République démocratique du Congo. En procédant par la balkanisation économique avant la balkanisation administrative.
Aussi, l’absence d’une armée réellement nationale et dissuasive servirait de tremplin à ce complot machiavélique.
Pas plus tard qu’au début de cette semaine, depuis la lointaine Washington, Herman Cohen, ancien sous-secrétaire d’Etat américain chargé des Affaires africaines, a
rejoint l’Italien Aldo Ajello. Il a invité le président de la République à entreprendre sans délai les grandes réformes touchant particulièrement l’armée. L’évolution dangereuse de la situation
politique impose cette réflexion.
C’est désormais une nécessité. Mieux, une urgence de disposer d’une armée républicaine, socle des institutions nationales, élément catalyseur de la paix et de la
sécurité.
Recadrer la réforme
Il est un fait que des initiatives ont été amorcées dans le contexte de la réforme de l’armée. Il s’agit notamment du brassage, du mixage. La question est celle de
savoir à quoi a abouti toutes ces initiatives.
En réalité, il se pose encore de nombreux problèmes pour parler d’une armée nationale et républicaine. Les anciens belligérants, notamment l’ex-RCD, l’ex-CNDP n’ont
pas encore intégré complètement les FARDC. Ils disposent de noyaux qui n’affichent point d’enthousiasme à rejoindre de nouveaux postes d’attache, à accepter des permutations. Ils préfèrent rester
sur place comme s’ils attendaient un mot d’ordre.
On en dirait autant d’autres groupes armés, les Maï-Maï en l’occurrence, une véritable nébuleuse. Ils opposent de la résistance pour rejoindre les centres de
brassage ou de mixage. Les FARDC donnent ainsi l’impression d’être une armée constituée de «groupuscules armés». Ce qui pose un réel problème en tant que corps. D’où ces mouvements de
mécontentement observés ci et là.
L’important maintenant, c’est de recadrer cette réforme. De quitter les sentiers sinueux et tortueux du provisoire pour s’engager résolument dans la voie du
définitif avec effet durable. Se doter d’une vision qui s’inscrit dans le contexte de grandes réformes à prendre dans les domaines vitaux de la vie nationale. C’est le prix à payer si l’on tient
effectivement à se doter d’un Etat de droit, des institutions républicaines, de véritables programmes de développement national.
Aujourd’hui plus qu’hier et mieux que demain, ces énièmes tueries de l’Est interpellent les décideurs congolais sur l’urgence d’une armée républicaine et
dissuasive. Quittons, maintenant, le boulevard des vœux pieux.