Tshisekedi, Kamerhe, Mende ont parlé. Pour quelle leçon ?
L'opinion est inquiète. Elle assiste tétanisée par la manière dont la campagne électorale est préparée. Aussi bien dans le camp des tenants du pouvoir que dans
celui de l'opposition. Hier au rez-de-chaussée, le débat public
a tendance à se réfugier dans le sous sol. Au lieu de prendre de la hauteur, il a tendance à se focaliser sur les individus, plutôt que sur leurs idées contenues
dans leurs programmes d'action. Jusqu'ici, la préférence va à la manipulation de l'opinion qu'à son édification. Tous les moyens deviennent bons pourvu que le débat ne décolle pas. La démocratie,
on ne le sait peut être pas très bien ici, est une école de patience, de tolérance et de l'acceptation de l'autre tel qu'il veut être. D'énormes défis nous attendent. Les relever est largement
dans nos cordes. A condition que nous jouions. avec hauteur et maturité. Ce qui, à l'heure qu'il est, est loin d'être le cas.
On ne cherche pas à vaincre l'adversaire. On veut qu'il disparaisse définitivement. Qu'il se dissolve comme du sel dans l'eau bouillante. Alors que les dernières
élections étaient organisées dans un contexte des tensions multiformes, celles de cette année vont, en matière de stress et d'incertitudes dépasser tout ce que nous craignions à
l'époque.
Dans Ivoirité et Congolité, pour quel but, publié dans notre édition de vendredi 17 juin, M. A. Sivu écrit : " en suivant il y a quelques semaines une chaine de la
place, j'entendais un opérateur politique s'interroger avec délectation sur la nationalité et l'origine du président Kabila ". Pour ce politicien donc, peu importe ce que Kabila dit et fait,
seule sa nationalité et ses origines comptent à ses yeux.
Inutile à ce stade ici de poser la question de savoir avec ce genre d'homme où de sérieux peut-on aller ? Naturellement, nulle part, n'est- ce pas ?
Malheureusement, dans le camp du pouvoir on ne fait pas mieux. C'est dans ce camp que la répétition de maladresses devient effrayante. On y donne l'impression que
le pouvoir est pris d'une peur subite, longtemps mal contenue. Il y est de plus en plus question des impérialistes qui chercheraient à nous empêcher d'aller de l'avant. Il stigmatise les
impérialistes comme si nous étions encore à l'époque de la guerre froide.
Les Chinois, les Soviétiques, les Cubains et les autres européens de l'Est qui constituaient la locomotive du camp anti-impérialiste font aujourd'hui de juteuses
affaires avec le monde entier. Les barrières idéologiques ont disparu au profit d'une ouverture dont ne tirent réellement profit que ceux qui ne font pas comme nous : regarder constamment
derrière au lieu d'aller de l'avant.
A la guerre contre les impérialistes vient s'ajouter ces tirs nourris contre Tshisekedi et Kamerhe. L''un, pour avoir été mêlé à des opérations ayant conduit
notamment à la mort de Lumumba. A l'autre, c'est-à-dire Kamerhe, le pouvoir croit utile de continuer à répéter partout qu'il est toujours dans son camp. Un argumentaire qui ne convainc personne
et dont s'est accaparé même E. Tshisekedi pour déclarer que dans ce pays il n'y a d'opposition et d'opposant que lui. Et personne n'est censé le devenir sans son onction à lui. Voilà où nous en
sommes dans cette guerre des ténèbres qui précède l'ouverture de la campagne électorale proprement dite.
Dans le chasse aux autres opposants, le pouvoir rejoint admirablement Tshisekedi en disant, dans la bouche d'un de ses ténors en vue : tel que je le connais et du
fait que Kabila a fait de lui tout ce qu'il est devenu, affirme l'honorable Francis Kalombo, Kamerhe ne trahira jamais Kabila (Africa New n°602 du 16 juin 2011). Dans cet entendement propre à
notre environnement, qui dit opposant, dit traître. Ne plus être d'accord avec votre père, biologique, fait de vous un traître vis-à-vis de lui. Ce sont des conceptions originales qui n'existent
que dans notre monde à nous.
En effet, le prêtre qui nourrit l'ambition de devenir un jour évêque, n'est pas considéré, par l'église, comme un traître vis-à-vis de ce dernier.
Si Francis Kalombo dit que Kamerhe ne traihira jamais Kabila, il sait en politique avisé de quoi il parle. Qui, en effet, peut prétendre parler en notre nom,
s'il a dans ses vaines le virus de la trahison ? En le dédouanant ainsi aux yeux d'une opinion publique matraquée par l'intox et la désinformation, l'honorable Francis Kalombo rend un service
inestimable à Kamerhe.
Ne pouvant trahir Kabila, Kamerhe devient de facto incapable de trahir le congolais. Que peut-on, logiquement et patriotiquement attendre d'un homme politique
responsable ?
Kamerhe dit : j'ai une vision pour le Congo. Cette affirmation n'intéresse ni le pouvoir ni l'opposition qu'incarne Tshisekedi. Or, c'est sur ce qu'il dit et fait
qu'il devrait être interpellé. Au lieu de quoi, c'est effacer l'adversaire politique qui intéresse les politiciens.
N'importe comment, on n'atteindra aucun résultat si nous continuons à agiter le passé pour ne pas voir le présent afin de ne rien envisager pour
l'avenir.
Nous devons cesser de remuer le couteau dans la plaie - le peuple attend autre chose que les querelles oiseuses auxquelles se livrent certains politiciens en ce
moment.
Pour tout dire, sur tout ce qui dit maintenant, la République n'en a tiré aucune leçon de nature à l'édifier. Alors… que faisons-nous?
Mankenda Voka