Dans le calme typique qui enveloppe Lubumbashi, chef-lieu de la province du Katanga, le cadre restauré du « Grand Karavia Hôtel », bercé par les eaux du Lac Tshombé, sous un climat beau distillant, à volonté, de petites pluies et un doux soleil, l’une des salles de conférences abrite les travaux de la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs (CIRGL), depuis le lundi 20 février 2012.

C’est un véritable événement qui a lieu, loin des regards indiscrets et des spéculations dont sont friands les amateurs des radios trottoirs. D’ordinaire, les gens parlent évasivement des services de renseignements, parce qu’ils n’en connaissent que les images intentionnellement déformées, répercutées auprès du public par la télévision et le cinéma, à travers des films et des séries.

Parfois aussi, malgré une curiosité qui peut être fondée, pour débattre des services de renseignements, les esprits intelligents sont butés au manque d’informations à leur sujet. Et c’est correct, dans la mesure où les services de renseignements sont avant tout des services secrets.

Présence remarquée de tous les Etats voisins de la République démocratique du Congo…

Mais, là, ce qui se déroule à Lubumbashi est tout à fait différent. D’abord, parce qu’un événement officiel est censé être couvert par la presse. C’est tout le contraire qui étonnerait. Ensuite, cet événement rend compte des avancées significatives de la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs (CIRGL). Comme cela aurait pu l’être de toute organisation régionale ou internationale. Enfin, La séance d’ouverture solennelle des travaux des experts des services de renseignements des Etats membres de la CIRGL avait une séquence totalement ouverte aux médias, avant le huis clos sur les détails concernant les points inscrits à l’ordre du jour, tels que perçus par les différents délégués.

Nous avons donc été frappés par la présence de nombreux participants, derrière les chevalets indiquant la dénomination des pays représentés : Angola, Zambie, Tanzanie, Burundi, Ouganda, Soudan, Sud-Soudan, République Centrafricaine, République du Congo et le pays hôte, République démocratique du Congo.

Comme l’Afrique du Sud, le Sud-Soudan y a siégé, en qualité d’observateur, en attendant qu’il accomplisse des formalités nécessaires à son adhésion à la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs. Le Comité des Services de Renseignements de l’Afrique (CISSA, en sigle en anglais), avait également dépêché un observateur.

Le premier constat à faire était un constat de victoire de la diplomatie secrète congolaise. Cet aspect de diplomatie dont l’on n’est pas toujours au courant et qui est presque la marque déposée des services de renseignements. L’Agence Nationale de Renseignements et son Administrateur Général, Kalev Mutondo, ont donc marqué des points.

A l’heure où débutaient les travaux, les experts des services de renseignement du Kenya étaient encore attendus.

Ce qui nous a intéressé d’emblée, c’est la compréhension intégrative de la Région des Grands Lacs. Il y a de cela plusieurs années, nous étions tous habitués à n’y inclure que trois pays : la République Démocratique du Congo, le Burundi et le Rwanda, tous membres de la Communauté Economique des Pays des Grands Lacs (CEPGL).

Ce n’est plus le cas. La Région des Grands Lacs est vraiment en droit de se transformer en un bloc multidimensionnel tout autour de la République Démocratique du Congo. Bloc géographique, géopolitique, géostratégique et économique. Cette compréhension, non exclusive, doit être saluée, surtout qu’elle ne demeure pas l’affaire des seuls politiciens, en mettant pleinement à contribution le rôle des services de renseignements des pays concernés.

Trois discours d’ouverture des travaux

La session du lundi 20 février 2012 a été ouverte par un mot d’introduction de monsieur Charles Kapekeye Chileya, Secrétaire Exécutif Adjoint de la Conférence Internationale sur les Grands Lacs, au nom de son titulaire, le professeur Alphonse Ntumba Luaba, attendu lors de la rencontre des Chefs des Services de renseignements.

Il a souligné l’hospitalité de la République Démocratique du Congo, pays hôte, qui n’a pas ménagé les moyens pour accueillir dans un esprit de fraternité exemplaire et dans un cadre rayonnant les différents experts des services de renseignements. Quoi de plus correct, lorsqu’on s’imagine bien que ceux-ci ont franchi monts et vallées, fleuves, rivières et lacs, pour atteindre la ville de Lubumbashi.

L’allocution de bienvenue a été prononcée par le général burundais Agricole Mwamba Ntirampeba, au nom de son Chef de service, qui avait assuré la présidence du Comité Régional de Coordination, dont l’exercice s’achève à la fin des travaux de Lubumbashi.

Le Comité Régional de Coordination, avons-nous appris, regroupe tous les Chefs des services de renseignements des Etats membres de la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs. Il est donc logique que la toute prochaine présidence dudit Comité revienne au patron des services de renseignements de la République Démocratique du Congo.

Dans son speech, le général Agricole Mwamba Ntirampeba a circonscrit les objectifs de la rencontre de Lubumbashi, définis depuis la dernière réunion des Chefs de service, tenue à Bujumbura, le 31 octobre 2011, au « Club du Lac Tanganyika Hôtel ».

Enfin, le dernier intervenant a été l’invité d’honneur, en la personne de monsieur Kalev Mutondo, Administrateur Général de l’Agence Nationale de Renseignements (ANR).

Son discours a été articulé en quatre principaux points.

Primo. Il a réitéré la bienvenue à chaque délégation présente aux assises de Lubumbashi, en la priant de s’y sentir parfaitement à l’aise. En effet, la République Démocratique du Congo recevait ses frères africains. Nous nous sommes dits qu’avec un tel état d’esprit, le mauvais passé est vraiment derrière nous.

Secundo. Il a dit une phrase dont la symbolique est tout un programme d’actions : « Nous sommes réunis aujourd’hui parce que nous nous sommes tous inscrits au nom de nos Chefs d’Etat respectifs, comme des ouvriers qui travaillent à la construction de la paix dans la Région des Grands Lacs, sans laquelle, il serait illusoire d’en faire un pôle de développement, comme partout ailleurs dans le monde, des Etats mettent ensemble ce qui les unit par l’histoire et la géographie pour matérialiser les espérances les plus fondamentales et les plus légitimes de leurs peuples. »

Nous avons été fort séduits par cette image : des officiers de renseignements qui soient des ouvriers travaillant à la construction de la paix. Et c’est vrai, comme lorsqu’on consomme du miel, on ne réalise pas toujours qu’il y a eu des abeilles…

Tertio. Il a fait état des préoccupations qui retardent la Région des Grands Lacs, le problème des forces négatives, et l’exploitation illicite des ressources naturelles, cette dernière étant considérée comme l’un des facteurs à l’origine des conflits récurrents dans les Grands Lacs.

Nous avons donc compris que les services de renseignements des différents pays membres de la CIRGL doivent investir toutes leurs ressources humaines et autres ensemble pour réussir ce double pari.

Quarto. Il a recadré le sens des travaux de Lubumbashi, en soulignant qu’ils doivent être une opportunité toute faite pour finaliser l’opérationnalisation du Centre Conjoint de Fusion des Renseignements. Vous vous en doutez bien, sur des menaces communes.

Albert Mwamba