Créé le 01-06-2011 à 09h00 | AFRIQUE REDACTION | REDACTEUR EN CHEF : ROGER BONGOS | SITE PANAFRICAIN | ACTUALITE | RDC | Mis à jour le MERCREDI 02- 06-2011 | 11H15| AFRIQUE REDACTION PAR : SYFA
A Kinshasa, de plus en plus de jeunes garçons de moins de 18 ans font le taxi-moto sur les routes dangereuses de la capitale. Ils roulent vite, sans casque, sans
autorisation, sans connaissance du code de la route et commettent souvent des accidents. Et moyennant quelques sous, les policiers de roulage les laissent faire.
Le 27 avril, quand un accident de moto se produit sur l’immense boulevard Lumumba en plein travaux de modernisation, à la hauteur de la 1ère rue à Limete, les
curieux qui accourent sur le lieu sont saisis d’une intense émotion. L’accidenté qui conduisait l’engin est un enfant de 15 ans. Il est mort sur le coup. Le mineur faisait le taxi-moto, une
activité très en vue ces derniers mois dans la capitale de la Rd Congo Kinshasa, qui manque cruellement de moyens de transport public.
Les taxis-motos sont arrivés ces trois dernières années sur ce marché, jusque-là essentiellement exploité par de petits propriétaires privés de taxi et minibus
souvent déglingués. Les conducteurs des taxis-motos, appelés « wewa » (en langue Tshiluba) parce que venant en majorité de deux Kasaï (centre du pays) où ils exploitaient le diamant devenu rare
dans les mines artisanales, sont généralement des adultes. Mais, ils ont été suivis par des Kinois, de plus en plus des jeunes, de la tranche d’âge de 14 à 17 ans. LAISSEZ-FAIRE TOTAL
Regroupés au sein de l’Association des conducteurs des motos, les adultes ne veulent pas voir exercer ces mineurs qui, disent-ils, sont beaucoup moins prudents
qu’eux sur les deux roues et roulent trop vite. « Ils sont de plus en plus nombreux mais nous refusons de les admettre dans notre association et leur interdisons de transporter des clients dans
nos parkings », explique Arthur Ntumba.
Vu leur jeune âge (moins de 18 ans), ces adolescents ne peuvent, selon la loi, obtenir ni le permis de conduire ni l’autorisation de transport. Ils ignorent tout du
Code de la route, roulent sans assurance et leurs motos manquent parfois de plaque d’immatriculation. Pour ne pas se laisser prendre, la plupart font le taxi-moto sur des avenues secondaires, qui
donnent sur les grandes artères. Mais le soir, quand la police de circulation routière n’est plus là, ils font irruption sur les grandes avenues, où l’on voit surtout des conducteurs adultes. Ces
derniers transportent deux, voire trois ou quatre clients (parfois un bébé dans les bras de sa mère). Mineurs ou adultes, tous ne portent généralement pas de casques. Ils se faufilent et avancent
plus vite dans les embouteillages, ce qui explique que les clients pressés les préfèrent aux voitures et bus, plutôt rares.
Dans ces conditions de circulation, les jeunes sont les plus exposés aux dangers de la route. Souvent, « c’est en cas d’accident, après vérification que nous nous
rendons compte que le conducteur n’avait pas l’âge requis (plus de 18 ans, Ndlr) », témoigne Dido Wetola, du sous-commissariat de police Boba, dans la commune de Masina. Depuis qu’il est à ce
poste il y a moins de six mois, il a enregistré 12 accidents impliquant de jeunes conducteurs de taxi-moto sur le seul tronçon reliant le boulevard Lumumba au chemin de fer qui traverse cette
commune très peuplée.
TRAVAILLER PLUTÔT QUE VOLER
Babouches ou sandales aux pieds, en culottes ou pantalons remontés sur les jambes, torses couverts d’un singlet ou d’une vieille chemise, ces enfants viennent de
familles modestes. Leurs parents les laissent faire, sans trop s’interroger sur les risques qu’ils leur font courir en faisant le taxi-moto. « Je préfère le voir travailler ainsi plutôt que
d’aller mendier dans la rue », lâche Jérémie Woyi Selengwe, parlant de son fils. La plupart travaillent pour de petits propriétaires appelés patrons ou “vieux du quartier”. Pour eux, le plus
important est d’aider ces enfants, qui sont en majorité en situation familiale difficile, ne vont pas à l’école et versent souvent dans la petite criminalité urbaine. « Certains étaient des
kuluna (bandes de jeunes de quartiers populaires qui sèment la terreur dans la ville, Ndlr), nous ne pouvons pas leur interdire de faire ce métier », explique Boyanga Bodi, qui leur apprend à
conduire les deux roues.
Les propriétaires des motos les préfèrent d’ailleurs aux adultes. « Ils sont plus sérieux, versent les recettes sans difficultés et remettent les motos à l’heure »,
déclare l’un d’eux. Les adolescents se contentent, eux, du peu que le patron leur concède. « Je n’ai pas de salaire, mon vieux me donne juste de l’argent de poche », raconte Grégoire Ekofo, 17
ans. Certains leur laissent les recettes d’une journée, celle de dimanche. Mais le courage que certains ont à défier les policiers même en plein jour étonne. « Je n’ai pas peur d’eux, ils nous
sont familiers », avoue Reagan Muwa, 16 ans, qui travaille de 7 à 17 heures. « Ils m’ont toujours relâché moyennant un peu d’argent », témoigne David Kitenge, maintes fois appréhendé par la
police, à cause de son âge.
Syfia/LP