Créé le 06-06-2011 à 09h00 | AFRIQUE REDACTION | REDACTEUR EN CHEF : ROGER BONGOS | SITE PANAFRICAIN | ACTUALITE | RDC | Mis à jour le LUNDI 06- 06-2011 |10H15| AFRIQUE REDACTION PAR : LE POTENTIEL
Le président national du Rassemblement des démocrates pour la rupture et le renouveau (Rader), le professeur Augustin Mampuya, revient du Kasaï Occidental où il est
allé se faire enrôler. Ci-dessous, il parle de conditions d’enrôlement des électeurs qui provoquent l’inégalité de traitement entre les provinces. Pour lui, celles défavorisées sont celles qui
passent, à tort ou à raison, pour favorables à l’opposition. La CENI doit tout faire pour rectifier les choses.
La fin de la révision du fichier électoral est prévue pour ce lundi 7 juin 2011 dans le Katanga et le Kasaï Occidental d’où vous revenez. Dites-nous, globalement,
comment se déroulent les opérations dans la dernière province ?
Je me suis fait enrôler au Kasaï Occidental dans un rayon où il y avait deux bureaux et où j’ai trouvé des conditions de travail très difficiles, y compris pour les
membres du bureau de la Commission nationale électorale indépendante (CENI). Je me suis fait enrôler dans un rayon où il y avait quatre bureaux. Chaque bureau était doté de deux machines. Il y en
avait donc quatre dont une seule marchait. Et celle-ci n’avait pas de cartes d’électeur. Il fallait aller emprunter à un autre bureau qui avait des cartes mais sans les machines. Voilà les
conditions dans lesquelles on travaille là-bas. De sorte que les autorités locales m’ont fait part de leur crainte, de leur inquiétude sur l’évolution de ces opérations. Elles ont sollicité de la
CENI le prolongement des opérations de quelques semaines – cela a déjà était fait dans quelques provinces comme le Maniema et le Bas-Congo. Il faut qu’on y réfléchisse beaucoup. Le problème est
que lorsque vous allez dans un territoire, un secteur où 48.000 électeurs sont attendus et où il n’y a que 12.000 qui sont déjà enregistrés fin mai, cela n’est pas normal. Quand vous avez dans un
territoire où on attend globalement un peu plus de 400.000 électeurs et qu’on vous dit qu’il n’y a pas encore 200.000 qui ne sont pas encore enregistrés, il y a quelque chose qui ne va pas.
Lorsque vous avez dans une ville qui comprend plus de deux millions d’habitants, le maire de la ville vous dit qu’il voudrait solliciter une prolongation parce qu’il y a à peine 50% de la
population attendue …
Est-ce un problème dû essentiellement au manque de matériel ?
Non seulement le matériel fait défaut mais, dans les milieux ruraux, la distance doit également être pris en compte. Je connais un secteur où il y a huit bureaux.
Cela prouve qu’ils sont situés à de grandes distances. Certains bureaux sont distants de plus de 50 km. Sans parler du fait qu’avec toutes ces difficultés techniques, des gens restent pendant
plusieurs journées sans se faire enrôler. J’ai vécu ce genre de situation même à Kinshasa après avoir visité trois bureaux. Des gens reviennent le lendemain parce qu’ils n’ont été enrôlés non pas
à cause de l’affluence, mais parce qu’il y a pas défaillance du matériel. Il faut qu’on en tienne compte. Ici à Kinshasa, je ne parle pas encore du nombre de gens attendus, mais des problèmes qui
existent dans la mesure où les opérations seront clôturées le 5 juillet 2011, alors que ces opérations avaient débuté le 7 mai. Mais pas 90 jours travaillés comme c’était prévu. Dans d’autres
provinces, celles qui les ont terminées ont pris 3 mois, c’est-à-dire 90 jours de travails et non 90 jours calendrier. A Kinshasa, ces opérations prennent deux mois.
On remarque, par les chiffres que la Mission des Nations unies pour la stabilisation du Congo (Monusco) a communiqués selon les données de la CENI, qu’à Kinshasa, à
peine 1,5 million des Congolais se sont fait enrôler jusqu’au 30 mai. Ce qui montre qu’il va y avoir sous enrôlement, peu d’électeurs inscrits sur la liste électorale. Il y a risque même, sur
l’ensemble, qu’il y ait moins d’électeurs qu’en 2006. Ce ne sera pas normal. En 2006, on nous a parlé de 25 millions d’électeurs enrôlés. Et on a pensé ajouter aux 25 millions toutes les
provinces qui n’avaient pas poussé leurs habitants à s’enrôler et tous les jeunes qui n’avaient pas l’âge requis pour voter, on ne peut pas ne pas atteindre les 30 ou 32 millions au minimum. Les
prévisions de la CENI sont de l’ordre de 28 millions d’électeurs pour lesquels seuls 20 millions se sont fait enrôler aujourd’hui. Je ne suis pas certains qu’à Kinshasa, la seule province où les
opérations se poursuivent, on atteigne 8 millions d’enrôlés en un mois. Et à Kinshasa et ailleurs, il y a même des suspicions. Les gens constatent, notamment dans la province d’où je viens, que
le résultat recherché est qu’il y ait peu d’électeurs. Et, par conséquent, peu de personnes qui vont élire. Et nous savons que chaque fois qu’il y a abstention et absence d’engouement pour les
élections, ce sont des forces conservatrices qui gagnent. C’est comme ça dans le monde entier. Pourtant, ce que la Monusco avance ne va pas le même sens que ce que vous dites. Elle parle, par
exemple, de 2.482.000 d’électeurs enregistrés sur les 2.457.453 attendus.
Selon la Monusco, il y a plutôt engouement dans le Kasaï Occidental ?
Je voudrais bien que la Monusco nous en donne la preuve. Savez-vous ce qui se passe ? La CENI ne travaille pas avec les autorités territoriales qui ont des chiffres
qu’ils établissent, qu’ils projettent. En même temps, un grand problème se pose du fait que ce système, depuis maintenant 27 ans, le recensement de la population n’est pas effectué. Nous pensons
que ce n’est pas un refus technique, mais politique. On le voit aujourd’hui. Comme il n’y a pas de recensement, il n’y a pas de chiffres de référence et on est en train de tâtonner. La Monusco
donne des chiffres, la CENI en donne d’autres et il en est de même de la territoriale. L’absence de collaboration entre la CENI et la territoriale explique peut-être cette situation. Même s’il
n’y a pas eu un recensement ‘porte à porte’, avec des individus qui se sont présentés physiquement, les territoriaux ont l’habitude de faire des projections avec des statistiques sur la
population. On n’a pas voulu cela. Aujourd’hui, on se retrouve avec des projections sur la ville de Kinshasa qui sont plus basses que celle de la province du Katanga. C’est bien la première fois
que j’apprends que le Katanga est plus peuplé que la ville de Kinshasa qu’on évalue à 8 millions, 9 millions ou même 10 millions d’habitants.
Pour vous, tout ça, c’est voulu ?
Je ne voudrais pas faire de procès d’intention. Mais quand je vois qu’il n’y a pas d’effort pour corriger, je me dis que c’est la volonté, c’est ce qui est voulu.
Il n’est pas normal qu’ici à Kinshasa, qu’on arrête à un mois et trois semaines la durée de l’enrôlement, alors que, partout ailleurs, normalement, c’est trois mois (90 jours). Il est bon que la
CENI pense à cela. Il n’est pas normal qu’on arrête d’enrôler dans les provinces, comme on le voit dans le Kasaï Occidental, alors qu’il y a des difficultés techniques dues à l’insuffisance de
matériel informatique, d’ailleurs obsolète. A noter qu’on a aussi réduit le nombre de bureaux pour que beaucoup de gens ne puissent pas s’enrôler.
Qu’en est-il de bureaux au Kasaï Occidental ?
Je vous ai fait étalage de l’état dans lequel ils fonctionnent. Il y en a un qui n’a pas fonctionné pendant trois semaines. Je l’ai rapporté à la CENI où l’on m’a
dit que cela va être réglé.
Mais cet arrêt de travail est dû à quoi ?
Simplement parce que le groupe électrogène utilisé est tombé en panne. D’ailleurs, au bout de trois semaines, il a fallu que quelqu’un de bonne volonté prenne son
groupe personnel pour le mettre à la disposition du bureau. Et on se rend bien compte qu’il y a là une mauvaise volonté. Lorsqu’on clôture les opérations, va-t-on récupérer les trois semaines ?
Je suis convaincu que beaucoup de bureaux à travers le territoire national n’ont pas fonctionné pendant, peut-être pas la même durée, mais, en tout cas, durant plusieurs jours. J’ai parlé de
quatre bureaux dans le secteur où je me suis fait enrôler. Sur quatre appareils, un seul fonctionnait.
A vous entendre parler, une prolongation s’impose ?
Elle s’impose pour l’authenticité et la crédibilité des élections. Quand nous prenons les prévisions faite par la CENI – je me demande même sur quelle base elles
ont été établies – celles publiées par la Monusco, nous voyons que les quatre provinces de l’Est du pays totalisent près de 15 millions d’électeurs attendus. Donc, plus de la moitié d’électeurs
potentiels sur l’ensemble du territoire national. Je voudrais bien le croire et croire aussi que les sept provinces qui restent devraient au moins représenter la moitié. Il y a quelque chose qui
ne va pas. Alors, pour ne pas continuer à alimenter les soupçons, il est bon que la CENI fasse vite pour corriger. Quand vous prenez les deux provinces du Kasaï et la ville de Kinshasa, les trois
entités sont réputées, à tort ou à raison, favorables à l’opposition, spécialement tshisekediste. Si on trouve ces conditions de fonctionnement, nous pouvons que suspecter quelque chose. Il n’est
pas bon, que la CENI, dite indépendante, se prête, comme ça, à la suspicion.
Voudrait-on défavoriser l’opposition dès le départ ?
Ce n’est pas la première fois dans le monde ni dans l’histoire. Qu’on ne dise pas que c’est impossible. Cela se fait ailleurs et ça se fait ici. Je ne suis pas
contre ces provinces de l’Est. D’ailleurs, mon parti s’y trouve implanté. Mais ces provinces ont quand même connu la guerre et la population a été décimée. Comment se fait-il qu’elles
représentent aujourd’hui à quatre la majorité de la population électorale attendue. La CENI doit nous expliquer cela. D’où vient que les sept autres provinces qui n’ont pas été touchées par la
guerre se retrouvent en dessous de la population attendue ? Ce n’est pas normal. Je le dis pour que la CENI corrige. Moi, je suis toujours quelqu’un de bonne foi et bonne volonté. Je ne suspecte
jamais le favoritisme si je n’ai pas d’éléments de preuve. Et c’est bien la première fois, depuis que j’ai commencé à faire la politique sur le terrain, que je me permets une telle assertion. Si
rien n’est fait pour corriger, nous croirons alors que c’est fait exprès pour que certaines régions soient moins bien enrôlées. Et que, par conséquent, il y ait moins d’électeurs et que les
candidats de l’opposition qui comptent sur ces régions, notamment les candidats à la présidentielle et ceux aux législateurs n’aient pas assez d’électeurs pour pouvoir gagner éventuellement. Cela
fait mal, même à la République dite démocratique. Il faut vraiment qu’on corrige les choses. Qu’on ne nous dise pas que le calendrier est serré. Quand bien même il en est ainsi, ce calendrier est
anti-constitutionnel. D’ailleurs, quoiqu’on le change ou qu’on le garde dans l’état où il est, on est déjà en dehors du délai constitutionnel. Autant de faire en sorte qu’il n’y ait pas
contestations de ces élections et que les choses se passent de manière plus ou moins crédibles. Il ne pas qu’on passe en force et qu’on dise que, dans certaines provinces, les gens ne se sont pas
fait enrôler. On a déjà entendu cela. Cette fois, il est constaté un engouement à l’appel de tous les leaders de l’opposition. Les gens se font enrôler. Même quand ils sont à 50 ou 90 km et font
cette distance à pied, tout en n’étant pas bien alimentés. Au début, la CENI a montré sa bonne volonté à dénoncer le fait qu’il n’y ait pas suffisamment de centres. Mais elle n’a pas créé
d’autres.
En définitive, que devons-nous retenir ?
Les conditions d’enrôlement, aujourd’hui, rendent compte d’une situation d’inégalité de traitement entre nos provinces. Je pèse bien les termes. Et je constate que
les provinces qui vont se retrouver défavorisées sont celles qui passent, à tort ou à raison, pour favorables à l’opposition. Cela peut pousser à un jugement politique partisan. Et ce n’est pas
bon. C’est ainsi que la CENI doit tout faire pour rectifier les choses, c’est-à-dire procéder à la prolongation là où le problème se pose et ne pas dire que le calendrier est serré à cause du
délai constitutionnel qui est, d’ailleurs, déjà dépassé. Il n’y a plus rien à sauver de ce côté-là.
PROPOS RECUEILLIS PAR PATRICK TSHIAMALA